snoopy,

[Recherche] Une ethnographe entendante dans le « monde des sourds » : conditions d'enquête auprès d'enfants sourds signeurs

https://www.cairn.info/revue-les-sciences-de-l-education-pour-l-ere-nouvelle-2012-4-page-15.htm

C’est pourquoi, l’ethnologue Yves Delaporte souligne les enjeux sous-jacents liés à la maîtrise de la LSF : « Parler la langue des enquêtés est un impératif absolu. Pour des raisons évidentes, ça l’est, ou ce devrait l’être, sur tous les terrains ; mais ici il y a plus. La langue des signes est le lieu d’affrontement entre sourds et entendants. Ce sont les entendants qui l’ont interdite [...] Être entendant et parler la langue des sourds, c’est donc d’emblée sans avoir besoin d’aucun commentaire ni d’autre profession de foi, montrer que l’on ne fait pas partie de ces entendants-là. Comment l’enquête pourrait-elle être possible autrement ? » (Delaporte, 2002, p. 11).

Pour signifier l’expression « ça rentre par une oreille et ça ressort par l’autre », Gaétan n’a pas signé [OREILLE] mais [OEIL], ce qui correspond au mode d’appréhension visuel des sourds. En utilisant cette expression, dite « pisourde », c’est-à-dire typique des sourds en lien avec leur langue, leur culture ou leur histoire, Gaétan témoigne de son appartenance à la communauté sourde signante.

Ne pas avoir gardé trace, dans la traduction, de cette spécificité langagière aurait été dommageable pour la compréhension des tensions identitaires chez les jeunes sourds, le fait linguistique étant au cœur de la définition de l’« identité sourde ». La double traduction a donc permis de mieux contrôler le matériel recueilli et d’approfondir les analyses qui en ont été faites.

[...] l’un des élèves ne se rappelant plus de moi, un de ses camarades m’a alors décrite en me mimant (« la dame sur sa chaise en train de prendre des notes »). Paradoxalement, cette prise de notes en classe a suscité plus de commentaires que la présence de la caméra en entretien qui a été très bien acceptée. Ce même élève, circonspect face à ma prise de notes, m’a demandé avant l’entretien de lui expliquer pourquoi je le filmais. Ma réponse sur la difficulté à être dans l’échange en LSF et à prendre des notes a semblé l’avoir convaincu et l’entretien a pu se dérouler normalement.

L’utilisation combinée de l’écriture – sous forme de notes de terrain – et de l’image – sous forme d’entretiens filmés – est une autre nécessité pour enquêter dans le monde des sourds. Pourtant l’équilibre habituel se trouve bousculé : la présence de la caméra a suscité moins de réactions de la part des enquêtés sourds que la prise de notes. L’importance pour les sourds du regard partagé – ce qui limite la prise de notes – et leur usage quasi quotidien de la vidéo amènent à redéfinir la hiérarchie des outils de l’ethnographe.

@pi_sourd

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